AU CŒUR DE l’EXIL
Olivier Jobard a toujours su conjuguer excellence et engagement. Le photojournaliste mondialement reconnu n’a jamais renoncé à aller jusqu’au bout des exodes partagés avec tous les migrants. Son séjour à Sangatte en 2000 – alors appelé la “jungle“ – est à jamais ancré dans sa mémoire d’authentique citoyen arpenteur du monde. Il y a rencontré Afghans, Tchétchènes, Irakiens, Bosniaques, Somaliens… qui ont tous fui les horreurs de la guerre. Les villes contournées, les frontières traversées – souvent dans la clandestinité – sont les balises de ce chenal de la survie vers Sangatte, Lampedusa ou les îles de Kos, Lesbos en Grèce, Bodrum en Turquie.
Olivier Jobard et Claire Billet, son épouse et réalisatrice, revendiquent cette proximité sans concession avec tous les réfugiés. Ces professionnels de l’image, qui sont l’honneur du métier, ont toujours eu pour préoccupation première de retracer ces histoires d’hommes et de femmes, qui n’ayant plus rien à perdre, embarquent leurs enfants sur ces arches de Noé soumises au vent mauvais des infortunes de mer. Pour mieux nous faire partager l’angoisse du grand départ, Olivier a même embarqué à Zarzis en Tunisie à bord de ces véritables radeaux de la Méduse aux côtés de Slah, un père de famille de 50 ans. Il a accompagné ensuite en compagnie de Claire, de Kaboul à Paris, cinq jeunes Afghans. Tous les reportages d’Olivier Jobard au creux de ces flots de réfugiés vers l’Europe, sont sur les cimaises du Musée de la Chartreuse, devenu pour quinze jours un écrin de solidarité afin de maintenir un indispensable état de vigilance. Pour que tous ces marcheurs de l’ombre demeurent dans la lumière de notre humanité alertée, solidaire, désormais soumise en permanence à la cruelle épreuve des tragiques événements qui sévissent de Kiev à Moscou, en passant par Gaza ou le Soudan.
Alain Mingam
Commissaire de l’exposition
Olivier Jobard intègre à 20 ans l’école Louis Lumière puis l’agence Sipa Press avant d’être depuis plus de 10 ans membre référent de l’omniprésente agence Myop. Après avoir couvert de nombreux conflits comme photojournaliste, il se rend en 2000 à Sangatte, où il rencontre des exilés afghans, tchétchènes, irakiens, bosniaques… ayant tous fui les guerres. Il en ressort bouleversé, et de ces échanges naît l’envie d’étudier les questions migratoires. Trop souvent décrits par de simples statistiques, les migrants forment une masse désincarnée dans l’inconscient collectif : photographiés en hordes sauvages ou comme du bétail, contribuant à créer un bestiaire visuel. De Kingsley, qu’il accompagne en 2004 dans son périple clandestin depuis le Cameroun, à Luqman à travers les montagnes iraniennes, il s’attache à individualiser la migration. Avec le temps il parvient à instaurer confiance et complicité. La question de la temporalité est omniprésente dans son travail, car omniprésente dans la vie d’un migrant. Attente et urgence alternent ainsi de façon imprévisible.